Quelques témoignages d’animateurs de codéveloppement en distanciel
C’est la notion de plaisir et d’enchantement qui ressortent le plus pour moi. On se figure qu’à distance tout est plus compliqué, embarquer les uns, rassurer les autres. Et finalement, ce qui ressort pour tous, c’est la facilité à entrer dans la dynamique du groupe et dans l’esprit de la séance. Bien sûr, on ne s’improvise pas animateur à distance, mais quand la pratique est là, mon expérience est vraiment de dire que le groupe quel que soit son niveau de familiarité avec le digital ou la méthode, peut vivre une expérience puissante et transformante dès la première séance. Depuis que j’anime du codéveloppement en ligne, j’ai vécu un arc-en-ciel d’expériences, aussi riches les unes que les autres. Et au-delà du fait de dire qu’aujourd’hui la distance est une nécessité, je dirais même que faire du codéveloppement à distance en soi peut être désirable, pour tout ce que cela apporte 🙂 (pardon du militantisme Claude, clin d’œil à Béatrice)
Olga d’Albenas, animatrice, ViTi-Coaching
J’ai envie de vous partager ce que je vis et j’observe lors des ateliers de dégustation de codéveloppement qui réunissent chaque mois des personnes qui ne se connaissent pas, qui ont des appréhensions parce qu’elles ne sont pas familières avec le codéveloppement ou parce qu’elles ne l’ont jamais expérimenté en distanciel. Dans cette heureuse coanimation avec ma consœur Anne Marie, je vis et j’observe à chaque fois quelque chose de commun : il se forme une bulle dont parlent aussi d’autres participants notamment en cycle inter-entreprises, bulle de simplicité, d’authenticité, d’humilité. Une « distance qui rapproche » intense qui amplifie les effets du processus. Elle est essentielle en cette période de pandémie et de confinement pour accueillir les peurs et les craintes.
Cette bulle a pu se former grâce au cadre préalable posé* –notamment de confidentialité- et parce que chacun a pris l’engagement à la fois de se poser un instant, de s’en donner les moyens, de faire confiance à la qualité du lien qui se tisse petit à petit, durant une séance ou durant un cycle.
(*Une charte co écrite avec mes consœurs Michèle Avaro, Béatrice Melin et Anne Marie Seimandi après 6 années de pratique et d’expérimentations du codéveloppement à distance.)
Catherine Boudewyn, animatrice Allo Codev
Lors des premiers jours de confinement en France, j’animais une séance qui a bien failli ne pas se faire. On imagine pourquoi… Les participants, tous directeur·trice·s d’une grande organisation avait tellement d’urgences que prendre 2h paraissait insurmontable.
Si cette séance a eu lieu, c’est que chacun a finalement parié qu’elle pourrait les aider à réguler ce sentiment d’urgence. Évidemment je ne détaillerai pas l’objet, si ce n’est de dire que tous plongés dans la même situation, jamais une problématique n’aura été davantage partagée. Jamais l’implication et les apprentissages ne m’ont semblé aussi frappants, aussi intenses ! Jamais l’idée de plan d’action n’a revêtu autant d’importance pour tous, individuellement et collectivement.
Le distanciel était il y a encore quelques mois une option pour bon nombre de praticiens… le distanciel permet aujourd’hui au codéveloppement d’être à la fois très pragmatique pour aborder cette rupture et d’assurer la continuité des interactions qui font notre humanité.
Sébastien Allain, PhD, Animateur via WeSuccess.co chez SBT Human(s) Matter
Voici quelques idées à partir d’une session de codéveloppement en distanciel à laquelle j’ai participé récemment dans un groupe auto-géré où la pandémie était la préoccupation de tous.
Inviter et permettre à chacun de partager son vécu quant aux impacts de la pandémie et des mesures de prévention et de contrôle sur soi et ses proches. Favoriser l’expression de la nature du stress vécu et des mécanismes d’adaptation utilisés. Les défis ou difficultés actuels peuvent être discutés au fur et à mesure ou retenus comme sujets pour la séance de codéveloppement ou ultérieurement.
Quelle est l’action juste dans son propre contexte ? C’est une question qui a été formulée et qui a été porteuse de réflexion et d’engagement. Dans le contexte, toute question à caractère philosophique a l’avantage de favoriser des réflexions d’une grande profondeur. Et les drames collectifs comme la pandémie, peuvent amener à repositionner ses valeurs et le sens donné aux personnes, aux choses et aux événements.
Même si la première rencontre ne sert qu’à l’inclusion et au partage (étape 1), l’étape 6 constitue le moment à ne pas négliger. Le partage des apprentissages individuels et des actions respectives de chacun est important. C’est aussi un moment précieux pour identifier les apprentissages collectifs et je suis convaincu qu’il y en a plusieurs.
Michel Desjardins, coach et animateur
Expérimentant depuis plusieurs années la puissance du processus du groupe de codéveloppement professionnel et constatant ses nombreux effets et bienfaits, je n’envisageais pas le pratiquer à distance et n’y voyais aucune valeur ajoutée à priori… À vrai dire, j’y étais même plutôt réticente, les MOOC (massive open online course), webinaires et autres processus de blended learning me convenant très peu comme participante/apprenante et ne me convaincant pas non plus en tant que professeur ou formatrice.
Il a donc fallu tout l’enthousiasme et la ténacité d’un duo de passionnées du codéveloppement pour réussir à m’embarquer dans l’aventure en distanciel au sein d’un groupe multiculturel réunissant six praticiens. Y expérimentant tour à tour les rôles de consultante, cliente et animatrice, je constate avec émerveillement que le processus s’y déploie différemment mais avec autant d’effets et de plaisir que dans un groupe en présentiel.
À l’heure du confinement que nous vivons aujourd’hui, proposer, à ceux qui ne l’ont pas encore dégusté, d’expérimenter et pratiquer le codéveloppement à distance, a vraiment tout son sens. Il nous permet de nous relier et de nous entraider pour apprendre et agir au mieux dans ce contexte inédit.
Merci à tous les pionniers et pionnières du Codéveloppement à distance !
Muriel Langouche, animatrice et Présidente de l’Association belge du codéveloppement professionnel
Le processus de codéveloppement existe déjà, il est merveilleux de simplicité et de puissance. Pour le reste, en restant dans cette attention à chacun en expérimentant, chacun peut y trouver sa source.
Anne Marie Seimandi, animatrice Allo Codev®
Je suis animateur mais j’ai envie de témoigner de ma position de client de codéveloppement à distance d’hier matin. Je me dis souvent qu’un facilitateur gagne à s’entrainer dans un groupe adapté pour vivre de temps en temps la position de consultant et de client. Ce groupe existe et est constitué de facilitateurs qui expérimentent le « à distance » depuis 2 ans. Nom de code : Clic Codev. Notre but est à la fois de développer notre pratique du codéveloppement professionnel et aussi de proposer de l’intervision entre pairs pour améliorer nos compétences.
Voilà ma synthèse spécifique de ma perception de client avec ce groupe à distance :
Phase Zéro du choix du sujet : J’ai senti que je devais exprimer clairement au groupe et au facilitateur que j’étais prêt à être client.
Phase 1 : J’avais besoin de me concentrer pour parler du sujet, parfois de ne pas regarder les vignettes des membres du groupe. Le temps écoulé de dix minutes m’a semblé court. La manchette m’est venue assez facilement sous la forme d’une métaphore.
Phase 2 : Wahooo ! ! Plein de questions auxquelles je répondais me faisaient réfléchir et j’avais besoin de noter certaines d’entre elles pour qu’elles me servent à nouveau en dehors de la séance. Régulièrement je disais au groupe d’attendre un peu car je prenais des notes.
Phase 3, le contrat : je sentais que je n’étais pas clair. Après le temps de clarification, j’aurais pu prendre un peu de temps pour réfléchir, faire une synthèse ; peut-être écrire ma demande initiale. Le temps d’accord sur le contrat m’a semblé un peu long mais tellement salvateur. J’étais en situation de décider ce qui me serait le plus utile dans la consultation tout en considérant les gênes, réserves ou demandes formulées par les consultants. En marge droite de l’écran j’ai écrit mon contrat définitif pour me l’approprier visuellement et le partager avec le groupe.
À la pause, j’ai consulté quelques messages téléphones en même temps que je me préparais un café. J’ai senti que je partais dans un autre état émotionnel et j’ai peut-être perdu le bénéfice de la concentration des trois premières minutes de la consultation.
Phase 4, la consultation : Que d’idées, que de témoignages ! Une attention particulière et même un regard étaient perceptibles en appui des formulations de la part du groupe. J’ai été largement nourri. J’étais attentif à accueillir les propositions de chaque membre en le regardant et en prenant des notes ensuite. Avec moi, les 5 consultants et le facilitateur, nous étions groupe de codev !!! comme c’est rassurant et confortable !
Phase 5 synthèse/plan d’actions : J’aurais pu prendre plus de temps, pour relire mes notes, créer des liens, faire une synthèse. En fait, je ne me sentais pas du tout dans l’idée de faire un plan d’actions mais de dénouer une situation globale en 2 sujets bien différents ; et c’était chose faite et je l’ai restitué au groupe.
Phase 6 régulation et apprentissages : la régulation m’a un peu échappé car j’étais encore dans mon sujet et dans la suite opérationnelle que je voulais lui donner. J’ai été marqué par l’apport formulé par un des membres et retenu par l’ensemble du groupe : à distance oui, et nous étions bien en codev !
Olivier Ouzé, animateur ClicCodev
Mes expériences m’indiquent que ce sont la participation, la motivation et l’engagement des gens qui font la différence, car l’apprentissage se produit par l’expérience et la pratique. L’apprentissage collaboratif est possible, même à distance et il peut être l’occasion de vivre des expériences engageantes et signifiantes pour soi-même et pour les autres.
Chantal Renaud, animatrice et Présidente de l’Association québécoise du codéveloppement professionnel
Mes expériences professionnelles dans une entreprise internationale m’avaient préparée à tenir des visioconférences en mode task force. Bien souvent, je ressortais de ces rencontres avec un sentiment de perte de temps et surtout avec cette frustration de repartir bredouille en termes de solutions, de pistes à creuser ou de plan d’actions à dérouler. De fait, les plus bavards monopolisaient la parole et la rencontre se transformait en débat d’idées ou en monologue plutôt qu’à trouver ensemble ce qui pouvait faire avancer le groupe.
La pratique aujourd’hui du codéveloppement en distanciel me fait prendre conscience que je ne savais pas ce qu’était l’animation d’un groupe de partage à distance ! Je me rends compte comment ces rencontres collectives en « visioconférence » hier démotivantes, peuvent être aujourd’hui source de créativité. Elles proposent une démarche et un cadre qui invitent, même via un petit écran, à respecter l’écoute, le partage d’idées et le retour d’expérience de chacun et du groupe. Nous nous retrouvons dans un même espace, qu’il soit physique ou virtuel, à vivre une expérience énergisante plutôt qu’énergivore, harmonieuse plutôt que dissonante, collective plutôt qu’individualiste, apprenante plutôt que subie. Plaisir et humilité sont au rendez-vous de chaque séance en distanciel, et je voudrais témoigner toute ma gratitude envers les co-développeurs du groupe de faire émerger ces instants d’apprentissage renouvelé, me faire cheminer au-delà de ma zone de confort.
Josée Meyer, coach, animatrice en codéveloppement professionnel
J’ai une expérience d’animation de codéveloppement en distanciel, mais j’aimerais surtout partager une expérience d’aide en situation de crise. C’était lors du dernier tremblement de terre à Mexico en 2017. J’ai proposé à des personnes qui traversaient une situation critique et qui vivaient un niveau important d’incertitude de participer à un Cercle d’Aide Mutuelle. Il s’agissait de codéveloppement, mais ce terme est inconnu au Mexique. L’activité a été proposée à des bénévoles engagés dans des activités de soutien port séisme. Mon service était gratuit mais il y avait une exigence de s’engager à passer 10 heures ensemble.
Il y a eu trois rencontres en après-midi du mardi au jeudi de la même semaine. D’abord un travail en grand groupe pour expliquer le processus puis en sous-groupes pour pratiquer le codéveloppement. Malgré leur état de bouleversement (troubles de sommeil depuis les événements, se trouver dans son lieu de travail et voir le bâtiment s’écrouler) ces personnes sont reparties plus calmes, plus fortes, assez soulagées et avec un sentiment d’être comprises, accompagnées. Elles ont exprimé qu’elles avaient pu retrouver de l’espoir.
Adriana Díaz-Berrio, PhD, animatrice
Dans le cadre de l’écriture de ce texte, une complice du codéveloppement de longue date, Marie Côté, me rappelait que nous avions tenu une rencontre dans les jours suivant le 11 septembre 2001. Nos échanges avaient été empreints d’un esprit de recueillement et d’une profonde humanité. On se disait qu’à ce moment comme aujourd’hui, le codéveloppement c’est aussi de disposer de liens tricotés serrés qui nous aident à mieux vivre ces moments de turbulences.
J’ai animé et participé à beaucoup moins de groupes de codéveloppement en distanciel que la majorité des contributeurs ici. Mon expérience, mes observations, mes collaborations avec des développeurs et mes échanges avec des praticiens m’ont cependant permis d’identifier des bonnes pratiques qui permettent de préserver l’esprit du codéveloppement. Sceptique au début, ma première préoccupation était celle de la qualité de la présence et de l’expérience. Je dois avouer que je suis fasciné par le fait que la connexion humaine puisse être rapide et que l’entraide soit si facilement de la partie, si on met en place les bonnes conditions. C’est assurément l’effet codéveloppement ! Lors d’une séance, la communication est différente que lors d’une téléconférence habituelle. Centrés sur le client, j’ai l’impression que le contact avec les autres participants ne se passe pas qu’en surface de l’écran. Ce que l’on a devant nous devient vraiment une fenêtre dans laquelle on peut plonger et qui permet de se rejoindre. L’entraide est naturellement mise à contribution. Nous avons bien besoin de cela ces jours-ci. Même des contacts en surface peuvent apporter du réconfort. Que dire de ceux qui vont plus en profondeur ? Se permettre de réfléchir ensemble, c’est déjà augmenter son pouvoir d’agir dans la situation.
Claude Champagne, co-développeur avec Adrien Payette de l’approche et de la méthode du groupe de codéveloppement professionnel
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